Caroline de Boissieu
avril – mai 2023
Les mouvements des transparences, reflets…
J’ai toujours été fascinée par l’eau, la transparence, les reflets, les jeux d’air et de lumière, sans cesse en mouvement, jamais pareille…
L’eau qui donne la vie, l’eau qui bondit, enfle, s’enroule, l’eau qui menace, fracasse et engloutit, l’eau qui retombe, s’apaise, irrigue, calme et fluide…
J’ai longtemps cherché pourquoi cette attirance irrésistible pour ces profondeurs opaques et liquides, bleues, vertes, dorée, parfois grises au point de m’y jeter dévêtue sans crier gare d’un bateau, d’un ponton, d’une grève…
… jusqu’à ce qu’on me raconte l’histoire du « Rocher du Préfet ».
Le ciel est immensément bleu, le temps est calme, la mer est belle en cet après-midi d’octobre 1870 quand le préfet du Finistère et sa famille s’installent paisiblement sur un rocher en bord de mer.
De cette pointe du bout du monde, la vue est superbe.
Il s’éloigne un instant pour discuter avec un ami quand soudain une lame énorme, sortie tout droit de l’abîme, surgit et arrache sa famille du rocher.
Sous ses yeux impuissants, sa femme et sa fille sont entraînées avec les autres dans les flots, jetées contre les pointes des rochers puis disparaissent englouties par le trou de l’enfer.
Leurs corps sans vie ne seront rejetés sur le rivage que quelques jours après.
Ce pauvre homme, Gustave Levainville, témoin et seul survivant, était… mon aïeul !
Mémoire et inconscient familial, hasard ou réparation ? Je ne sais pas et je m’en fiche, je peins avec tristesse, je peins avec bonheur, je peins sans y penser, je peins et je respire, je respire et je peins, entre terre, mer et ciel.
Je peins l’ambivalence, la puissance de l’eau et sa fragilité, le goutte à goutte de notre univers asphyxié.
Caroline de Boissieu
Ci-dessus, en haut
LA LONGUE ATTENTE (151×99 cm)
AYAMÉ (151×54 cm)
Ci-dessus, en bas
HARU NO SAITEN (110×160 cm)
Une démarche singulière
Diplômée de l’ENSAD rue d’Ulm, je navigue des Beaux-Arts aux Arts Décoratifs. Artiste peintre, je crée des œuvres mêlant lumière et transparence. Capture du mouvement, de la fluidité, révélation de la poésie qui s’y cache. Évocation poétique recherchée dans mes décors, de la miniature à l’installation magistrale, offre un instant magique. Œuvres feuilletées dans le verre, œuvres rétro-éclairées…
Les encres, les supports translucides, le verre sont mes matériaux privilégiés.
Depuis 2000, j’expose en France et à l’étranger.
Chaque projet réalisé, en étroite collaboration avec les architectes et designers, m’amènent à expérimenter des champs nouveaux pour créer la pièce unique.
C’est que la complexité de la démarche, celle que l’on retrouve dans chacune des œuvres de Caroline de Boissieu, relève du palimpseste.
Cette stratification, ou peut être mieux, sédimentation dont on parle comme d’un simple grattage de parchemin est ici une longue élaboration qui cache une volonté de troubler les pistes, les enfermements : entre les encres, le verre, les supports translucides, les calques, toutes les techniques sont convoquées pour donner au projet la plénitude de son expression, son souffle. […]
Il y a du sens, entre l’air et l’eau, l’opacité et la transparence, toutes les tensions sont présentes.
Alain SARFATI, architecte